Communes carencées en logements sociaux : comment éviter de lourdes pénalités ? Abonnés
Le dispositif SRU en pratique
Au titre des obligations de production de logements sociaux, rappelons que l’article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000, dite loi SRU (Solidarité et renouvellement urbains) impose aux communes de plus de 3 500 habitants – et de 1 500 habitants dans l’agglomération parisienne – appartenant à des agglomérations ou intercommunalités de plus de 50 000 habitants comprenant au moins une commune de plus de 15 000 habitants de disposer de 25 % de logement social, en regard des résidences principales, d’ici 2025. Toutefois, dans les communes appartenant à des territoires dont la situation locale ne justifie pas un renforcement des obligations de production, cette obligation est fixée à 20 % de logements sociaux. Des dérogations existent, notamment pour les communes attributaires de la DSUCS (dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale), sous certaines conditions (se renseigner à la préfecture).
Lors du dernier bilan de 2019, 1 100 communes étaient déficitaires en logements sociaux
Selon le rapport remis le 27 janvier 2021 à la ministre chargée du Logement par M. Thierry Repentin, président de la commission nationale SRU, il ressort de l'inventaire 2019 que 2 091 communes étaient « concernées ». Parmi elles, 224 étaient exemptées de l'application de la loi, 767 avaient atteint le taux cible de 25 % ou de 20 % et 1 100 étaient donc déficitaires en logements sociaux et astreintes à des obligations de rattrapage (« soumises » à la loi SRU).
Le contrôle de l’Etat
Chaque année, les services de l’État dressent un inventaire contradictoire avec les communes dites concernées par la loi SRU pour décompter le nombre de logements sociaux sur leur territoire et déterminer le taux de logements sociaux, en regard des résidences principales. Chaque commune déficitaire est alors :
- redevable d’un prélèvement annuel, opéré sur ses ressources, proportionnel à son potentiel fiscal et au déficit en logement social par rapport à l’objectif légal,
- soumise à un rythme de rattrapage défini pour trois ans qui doit lui permettre d’atteindre le taux légal en 2025.
Un prélèvement sur les ressources fiscales pour les communes déficitaires
Les communes qui n’atteignent pas leur taux légal font l’objet d’un prélèvement annuel sur leurs ressources fiscales, proportionnel au nombre de logements manquants. Le prélèvement est égal au quart du potentiel fiscal par habitant, multiplié par la différence entre la cible du nombre de logements sociaux (soit 20 % ou 25 % du nombre des résidences principales) et le nombre effectif de logements sociaux existant dans la commune l'année précédente. Il est plafonné à 5 % du montant des dépenses réelles de fonctionnement de la commune et diminué du montant des dépenses de la commune en faveur de la construction de logements sociaux (notamment subventions foncières, travaux de viabilisation, contribution aux dispositifs d'intermédiation locative, etc.).
La procédure de bilan triennal
Les communes déficitaires en logements sociaux sont aussi soumises à des obligations triennales de rattrapage, portant sur la quantité (le nombre minimal de logements sociaux) et sur la qualité (respect de la répartition équilibrée entre les différentes typologies de logements sociaux). Ainsi, à l’issue de chaque période triennale, le préfet vérifie le respect de ces objectifs de rattrapage et procède, le cas échéant, à l’élaboration d’un constat de carence, source de pénalités.
Les consignes du Gouvernement aux préfets pour le bilan triennal 2020/2022
- Davantage de fermeté vis-à-vis des communes éloignées de l’atteinte de leurs objectifs. Les communes ne peuvent justifier ne pas avoir atteint leurs objectifs de rattrapage que sur la base d'éléments substantiels, circonstanciés et objectifs. Une approche ferme doit être maintenue à l’égard des collectivités qui n’apportent pas de justifications suffisantes.
- La nécessité d’un contrat de mixité sociale. Un contrat doit être proposé systématiquement aux communes carencées. Toutefois, si l’engagement d’une commune dans la signature d’un contrat de mixité sociale pour la période 2023-2025 peut être interprété comme une marque de volontarisme, cet élément seul ne doit pas l’exonérer d’un constat de carence lorsque son bilan le justifie.
- Mieux prendre en compte de la dimension qualitative des logements sociaux produits. La dimension qualitative doit être prise en compte de manière équivalente à la dimension quantitative par les préfets dans leurs constats de carence, une commune ne pouvant se contenter de remplir ces objectifs par la seule production de logements destinés à des ménages plus aisés. A l’inverse, il convient de prendre en compte l’attention portée par une commune aux ménages les plus fragiles et qui proposent les produits les plus sociaux.
- Considérer l’homogénéité régionale. Dans l’esprit de la loi dite « 3DS » (relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration), les préfets doivent apprécier les particularités des contextes locaux, prenant en compte notamment le fonctionnement du marché local de l’habitat, la démographie, la composition et les ressources des ménages ainsi que le contexte concurrentiel sur le foncier de chaque commune concernée.
- Apprécier la dynamique de production à l’œuvre depuis l’entrée de la commune dans le dispositif SRU. L’analyse de la situation d’une commune doit également s’attacher à son historique à l’égard du dispositif. A cet égard, il convient de mesurer le temps d’appropriation des objectifs de rattrapage pour les communes nouvellement entrantes dans le dispositif. A l’inverse, une analyse des dynamiques locales sur le long terme doit permettre d’identifier les communes historiquement récalcitrantes à l’effort de solidarité nationale, notamment celles carencées à plusieurs reprises.
Les sanctions ont vocation à être d’autant plus lourdes que les insuffisances en termes de volontarisme sont constatées depuis longtemps. Une position ferme s’impose davantage à l’égard des communes où la dynamique de production de logements privés est forte au regard de la production de logements sociaux et qui sélectionnent les opérations sur leur territoire, au détriment de la mixité sociale. Cette situation est avérée dès lors que la part de production de logements sociaux sur la construction totale dans la commune représente une part inférieure à son taux cible.
- Prendre en compte des échéances électorales. Ces analyses sur le temps long doivent toutefois intégrer le fait électoral, notamment les alternances des exécutifs municipaux. Le constat d’une relance significative de la production correspondant à l’installation d’un nouvel exécutif en 2020 doit permettre de relativiser les freins historiques constatés dans la commune. A l’inverse, une attention particulière doit être portée sur les communes dans lesquelles le renouvellement du conseil municipal a ralenti nettement la dynamique de développement du parc social.
Les arguments que peuvent développer les communes durant la phase contradictoire
La procédure de constat de carence prévue à l’article L. 302-9-1 du code de la construction et de l’Habitation n’aboutit pas nécessairement à l’adoption d’un arrêté de carence. En effet, une telle décision ne peut intervenir qu’au terme d’une phase contradictoire au cours de laquelle les communes exposent aux services de l’Etat les difficultés rencontrées dans la réalisation des objectifs qui leur ont été assignés sur la période triennale écoulée.
Au cours de la phase contradictoire, une commune peut faire valoir les difficultés au déploiement d’une offre de logement social sur son territoire. Ces obstacles doivent être objectifs et s’appuyer sur des faits et des données dont la véracité peut être contrôlée. Ainsi, une commune pourra invoquer les difficultés à faire intervenir des bailleurs sociaux sur son territoire, en relevant notamment le nombre exceptionnel de recours de riverains contre les autorisations d’urbanisme. Elle pourra s’appuyer sur les appels à manifestation d’intérêt et autres offres pour créer du logement social restés sans réponse. Mais, la lutte contre l’artificialisation des sols n’exonère pas une commune de ses obligations liées à la SRU. De même, si une commune peut faire valoir un ralentissement dans la production de logements sociaux pendant l’année 2020 liée à l’épidémie de Covid-19, elle ne peut pas justifier, sur ce seul motif, un manquement dans ses objectifs sur l’ensemble de la période triennale
De manière générale, les arguments tenant à la complexité dans le montage des opérations du fait de la rareté ou du coût du foncier et des contraintes liées aux servitudes doivent être relativisés par la capacité des communes à développer l’offre sociale en dehors du neuf. L’émergence de logements sociaux par conventionnement du parc privé et par l’acquisition-amélioration ne doit pas être négligée, en particulier dans les communes soumises à ce type de contraintes.
(Instruction du Gouvernement du 28 mars 2023 relative aux conditions de réalisation du bilan triennal et de la procédure de constat de carence au titre de la période 2020-2022).
Paul Durand le 01 juin 2023 - n°514 de La Lettre des Finances Locales
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