Comment réaliser une analyse financière avant d’arrêter le programme des investissements Abonnés
Pour mesurer la faisabilité des programmes d’investissement d’une collectivité, il faut évaluer les marges de manœuvre financières dont elle dispose en appréciant la dynamique d’évolution des charges et des produits de fonctionnement. Les méthodes d’analyse financière des communes reposent essentiellement sur le traitement statistique de ratios. Ces ratios financiers fonctionnent à l’image de signaux d’alerte qui permettent de détecter rapidement et facilement des difficultés ou des potentialités financières :
- L’épargne
Le taux d’épargne brute
Solde de la section de fonctionnement du budget, l’épargne brute est l’un des indicateurs les plus pertinents pour une analyse financière rétrospective. Elle représente la part des recettes de fonctionnement non absorbée par les dépenses récurrentes de fonctionnement. L’épargne brute constitue donc la ressource propre dont dispose la collectivité pour rembourser sa dette et financer ses investissements. A noter : il est généralement admis qu’un ratio de 8 % à 15 % est satisfaisant. Ce taux doit être apprécié par comparaison avec des collectivités similaires.
Ce ratio indique la part des recettes de fonctionnement qui peut être consacrée pour investir ou rembourser la dette, rend compte de la performance financière d’une commune, sa solvabilité budgétaire à court et moyen terme. Mode de calcul : Epargne brute / recettes de fonctionnement.
Ainsi, suivre l’évolution de l’épargne permet de se faire une idée juste de la santé financière d’une collectivité territoriale et contribue à l’évaluation par les élus de la faisabilité de leurs projets d’investissement. L’épargne brute conditionne donc la capacité d’investissement de la collectivité. Le financement des investissements fait appel à des ressources propres (épargne brute) et à des ressources externes (subventions, dotations et emprunts). Or, par le recours à l’emprunt, l’épargne brute permet un effet de levier important : 100 € d’épargne brute permettent de financer 100 € d’annuités de dette, et donc d’emprunter 1 000 €.
La capacité d’autofinancement (CAF) :
Il s’agit du principal levier d’investissement. Rappelons que la règle d’or qui régit la construction budgétaire des collectivités territoriales impose que leurs recettes de fonctionnement couvrent leurs dépenses de fonctionnement, et interdit le recours à l’emprunt pour cette section du budget. L’autofinancement brut (ou épargne brute) doit, en priorité, couvrir le remboursement de la dette, le solde pouvant ensuite être affecté à l’investissement. L’épargne nette correspond à l’épargne brute retraitée du remboursement du capital de la dette. Elle permet d’évaluer l’autofinancement de la collectivité. Elle s’intègre au financement de la section d’investissement. Son évolution doit être appréciée selon les paramètres de la section de fonctionnement ainsi que la gestion de dette, comme le remboursement d’un prêt relais.
Ce ratio révèle la capacité d’une collectivité à financer ses investissements une fois ses dépenses de fonctionnement et sa dette payées. Aussi, il informe sur les marges de manœuvre dont dispose une commune ou un établissement intercommunal pour développer son territoire sans avoir recours à l’endettement. Mode de calcul : (Dépenses fonctionnement + dette) / recettes fonctionnement.
L’Indice d’Autonomie Financière :
Ce ratio évalue le degré d’autonomie financière d’une commune, en appréciant la part des recettes propres d’une commune (taxes et impôts locaux, redevances pour services publics, dons et legs) par rapport au total de ces recettes de fonctionnement. Il permet de déterminer les capacités d’une collectivité à mobiliser des ressources financières de manière autonome. Mode de calcul : impôts, taxes et redevances locales / recettes de fonctionnement
- Les marges de manœuvre fiscales
Le potentiel fiscal
Ce ratio correspond au montant d’impôts qu’encaisserait chaque collectivité si elle appliquait à ses bases nettes d’imposition les taux moyens nationaux de sa strate. Mode de calcul : produits taxes locales (bases locales d’imposition X taux moyens nationaux)
Le coefficient de mobilisation du potentiel fiscal :
La fiscalité représente le premier poste de recettes de fonctionnement d’une collectivité locale. Le potentiel fiscal permet d’apprécier la richesse fiscale de la collectivité. Cette richesse fiscale n’est pas corrélée aux revenus des habitants : elle repose davantage sur les valeurs foncières historiques du bâti et évolue en fonction du dynamisme des bases (installation ou départ d’entreprises, arrivée de nouveaux habitants,…). La collectivité a également la possibilité de relever ou d’abaisser les taux de fiscalité de plusieurs taxes. La notion d’effort fiscal permet de mesurer la pression fiscale du territoire par rapport à une moyenne nationale.
Ce ratio peut être compris comme un indicateur de pression fiscale au sein d’une collectivité du bloc communal. En effet, il détermine les marges de manœuvre d’une commune ou d’un établissement intercommunal en termes de fiscalité et contribue à évaluer leurs capacités à jouer sur l’augmentation des taux des taxes locales pour abonder leur budget. Mode de calcul : recettes de la fiscalité locale / potentiel fiscal.
A noter : si l’effort fiscal est inférieur à 1, la ville pourrait disposer de marges de manœuvre pour accroître les taux d’imposition. Plus l’effort fiscal est supérieur à 1, plus la pression fiscale est importante, ce qui peut limiter l’acceptabilité d’une nouvelle hausse de taux.
- Le niveau des charges de structure
Le taux d’incompressibilité des dépenses :
Ce ratio, appelé également ratio de rigidité, appréhende les marges de manœuvre d’une commune au prisme de la réduction de ces dépenses de fonctionnement. En effet, il évalue les capacités d’une commune à s’adapter à une contrainte financière sans avoir à réaliser des coupes au sein de dépenses de fonctionnement difficilement compressibles : personnel, frais de gestion courante et remboursement de la dette. Mode de calcul : (dépenses personnel + contingents + dette) / dépenses fonctionnement.
- La dette
Quels sont les engagements actuels de la collectivité en termes d’endettement ? De quelles charges financières hérite-t-elle des politiques de financement et d’emprunt menées antérieurement ? Quel est le profil d’extinction de la dette existante ? Autant de questions auxquelles il faut répondre pour évaluer la santé financière d’une collectivité.
La dette par habitant
La dette en euros par habitant et son évolution permettent d’évaluer le poids de la dette d’une commune. La dette par habitant est toutefois à relativiser en fonction de la taille de la collectivité et en fonction de ses niveaux d’épargne. Seul, cet indicateur ne permet pas d’apprécier la capacité de la collectivité à investir. Il doit être mis en regard avec la capacité de la ville à se désendetter et complété par l’analyse du profil d’amortissement de la dette existante.
La capacité de désendettement
La capacité de désendettement des collectivités locales (encours de dette rapporté à l’épargne brute) est l’indicateur majeur de la solvabilité d’une collectivité. Il répond à la question de savoir si la collectivité est bien en capacité de rembourser sa dette. Ce ratio indique le nombre d’années nécessaires à la collectivité pour rembourser l’intégralité de son encours de dette, en supposant qu’elle y consacre toute son épargne brute disponible. Un ratio à rapprocher de la durée de vie des emprunts souscrits. Mode de calcul : encours de la dette au 31 décembre / épargne brute.
Le taux d’endettement
Ce ratio apprécie la charge de la dette d’une collectivité du bloc communal relativement à ses recettes réelles de fonctionnement. Cet indicateur connaît une limite notable : une même valeur peut recouvrir des caractéristiques financières divergentes. Mode de calcul : encours de la dette au 31 décembre / recettes de fonctionnement.
Le profil d’amortissement de la dette
Le profil d’amortissement de la dette d’une collectivité est le résultat du cumul des tableaux d’amortissements des prêts souscrits dans le passé. Il est donc fonction du cycle d’investissement historique de la collectivité et des choix effectués à cette occasion (durée des prêts, mode d’amortissement). Son étude permet d’identifier l’existence de contraintes ou, à l’inverse, d’opportunités.
L’analyse rétrospective et prospective
Quelles sont les marges de manœuvre ?
Les ratios vus précédemment renseignent de manière claire sur la situation financière de la collectivité, c’est-à-dire à la fois sur ses forces et sur ses faiblesses. Leur croisement indique si sa situation financière est favorable ou, à l’inverse, si des mesures sont nécessaires qu’elle soit à nouveau en capacité d’investir. Il est également possible de dégager les principales tendances d’une collectivité qui seront utiles pour la construction d’une analyse prospective.
Construire une prospective et définir sa stratégie financière
Une prospective consiste à projeter les comptes administratifs futurs de la collectivité : elle suppose de définir des hypothèses d’évolution de son fonctionnement. De telles hypothèses s’appuieront sur l’historique et les décisions que la collectivité souhaite prendre. A cet égard, l’impact sur le fonctionnement d’un nouvel équipement doit par exemple être considéré. Une étude prospective implique également de récupérer le profil d’extinction de dette de la collectivité, c’est-à-dire le montant du remboursement du capital et des frais financiers par année de la dette existante.
A noter : L’analyse prospective devra intégrer les projets en matière d’investissement, y compris les « coups partis », c’est-à-dire des projets déjà en cours, antérieurs à la mandature ou à un transfert de compétences.
Une prospective contribue à mesurer les impacts éventuels de projets pour permettre parfois de les remanier. Est-ce que l’intégralité du programme est réalisable ou faut-il renoncer à l’un des projets ? Une hausse des impôts ou des tarifs est-elle nécessaire à la réalisation des projets ? Autant de questions utiles auxquelles tend à répondre l’analyse prospective.
Paul Durand le 29 février 2024 - n°530 de La Lettre des Finances Locales
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